With love and colors – Nadia Kever

Nadia pic

With love and colors. Les travaux que Nadia Kever propose au Clignoteur sont comme des cartes postales de son été à l’atelier :  elles partagent à distance son bonheur d’être là où elle est, de faire ce qu’elle aime. Aimer, le verbe n’est pas trop fort : le parcours artistique de Nadia débute par un coup de foudre. Pour le labo, pour la magie de la lumière qui fait naître l’image. C’est une évidence. S’ensuit le plaisir mille fois décliné de l’expérimentation, ce mélange de jeu et de réflexion qui grise, excite, donne du sel. Et qui extraira – un jour –  de ses paysages leurs lignes essentielles, minimales, pour ne laisser que deux bandes horizontales, l’une blanche, l’autre noire, révélées sur papier photographique.

A partir de cette relation émotionnelle avec le développement, Nadia Kever a construit un processus de travail singulier. Délaissant la prise de vue, elle a redonné à la photo-graphie – littéralement dessin de lumière, son sens original, et utilisé l’agrandisseur pour créer la couleur. Sériées, ordonnées en une palette unique, ses centaines de nuances, révélées sur papier photosensible, servent de matériau à toutes ses compositions.

Ainsi, si chaque tirage est un monochrome photographique, c’est par la confrontation des couleurs que l’objet prend forme. Aucune recherche théorique, pourtant, n’est à l’origine des harmonies choisies : seule agit la réalité, passée au filtre du regard de l’artiste. Ainsi ce moment de grâce, beau comme un chant de Lautréamont, qui marquera à jamais Nadia : la rencontre, au détour d’une rue, d’une jeune femme au chemisier bleu ciel et à la jupe rouge cerise.

Nadia dit : L’art géométrique respire car il implique l’espace autour, la relation « entre ». Cette question de l’espace, cette envie de synthétiser jusqu’à l’épure formes et vides, ombres et couleurs, est au centre de son travail. Pour sublimer la lumière et renforcer sa réfraction, les monochromes photographiques sont collés entre des feuilles de plexiglas. Les images deviennent alors objets, se détachent des murs et ouvrent le champ des possibles à la profondeur puis, dans un même élan, à l’architecture.

Au Clignoteur, Nadia Kever déploie et dépose donc ses architectures imaginaires, projections de ses envies de libérer l’espace comme de lui rendre hommage. Face aux œuvres, et reflétée dans chacune d’elles, la vieille armoire du Clignoteur accueille en perspective quelques traces des recherches de l’artiste, dans un tête-à-tête qui, comme les cartes postales, témoigne, with love and colors, de l’espace, du plaisir, et du temps.

 

Laurence Baud’huin, juillet 2016