Un étalage étrangement familier – Antonin De Bemels

La rédaction culturelle, qu’est-ce que c’est ?

Antonin De Bemels

Percevoir l’installation d’Antonin De Bemels. Faire taire la tentation d’interpréter. Appréhender les formes, les images et les sons. Contourner les personnages. Imposer le silence au dictat du consensus. Faire la paix avec la tentation d’interpréter. Se confronter. Être seul ou à plusieurs dans l’émotion. Sommes-nous les sujets ?

Toute la recherche d’Antonin De Bemels a pour origine la question de la subjectivité du regardeur et, par conséquence, celle de la liberté du créateur. Formé à l’Erg, Antonin est d’abord vidéaste. Et passionné par la représentation du mouvement, sa re-création dans le processus vidéographique. Confronté au montage rapide d’images disparates, il sait que le cerveau de chaque spectateur sélectionne différemment les informations perçues. C’est, au départ, ce phénomène physique – la persistance rétinienne – qui constitue son matériau. Dans ses premières vidéos, il utilise différents procédés, le « scrubbing » ou le montage stroboscopique notamment, pour recomposer le mouvement et déstructurer les corps filmés. Aujourd’hui, dans ses vidéos comme dans ses installations, il intègre régulièrement le dessin et s’inspire de techniques proches du cinéma d’animation. Il donne ainsi vie à ses personnages dans une mise en scène qui se veut narrative tout en laissant une place – notamment par l’abstraction – aux altérations nées de la sensibilité propre à chaque visiteur.

Infiltrer l’installation. Pénétrer un espace où les silhouettes s’agitent sans bouger et dialoguent sans mots. Vriller nos yeux sur leurs faces de lune. Comprendre qu’ils hurlent à l’unisson une seule question. Qu’ils nous racontent une seule histoire. Se prendre l’émotion en pleine figure. La leur ou la nôtre ?

Antonin De Bemels est sculpteur. Il fabrique des masques depuis l’enfance, dans l’atelier de son père, peintre, scénographe, artisan, qui lui prodiguera longtemps de précieux conseils. Le masque porte en lui un triple rapport au monde. Il est immédiat, il est média, il est réflexif. Immédiat, il cache et donc affranchit celui qui le porte : c’est la licence du carnaval et c’est le pseudonyme – ceux d’Antonin sont Bonhomme Daniel, Petite Porte (ou Bonhomme) de Bronze, et le libèrent des étiquettes. Média, le masque crée du lien entre porteur et spectateur : comme le prisme à travers lequel la lumière blanche révèle les couleurs du spectre, il retient les expressions du monde, puis nous les livre, et sur les faces vides de cet étalage étrangement familier, nous ne voyons jamais que nous-mêmes. Réflexif, le masque nous questionne et nous trouble, quelle est cette question qui me submerge ? Il installe un dialogue de soi à soi.

Suivre l’installation. De l’œil et du tympan. Se souvenir des dioramas des musées de notre enfance. Laisser image et son créer une tension entre les sculptures. Écouter l’écho de leurs conversations. Que disent-elles ?

Vidéaste, sculpteur, Antonin est aussi musicien et compositeur. De toutes les disciplines artistiques, la musique est la moins discursive : elle s’adresse directement à l’émotion. Cohérent, Antonin De Bemels propose un paysage sonore électronique expérimental permettant à chacun de créer son histoire.

Venir de bonne humeur, venir un peu nerveux, revenir. Passer en coup de vent, pressé, ou s’attarder, curieux, en paix. Se taire, s’absorber, puis s’épancher pour vidanger un peu ce flot de nous-même qui fait déborder le vase. Observer et se sentir observé… Venir pour découvrir, puis revenir pour assister à l’enregistrement d’une émission radio conçue par l’artiste. Être là le jour de la projection des films sélectionnés par lui… les expériences que nous propose Antonin De Bemels au Clignoteur sont uniques et chaque fois différentes. Plus qu’à chacun d’entre nous, elles parlent à celui, celle, que nous sommes ce jour, cette heure, cette minute. Un rendez-vous, en somme !

L’exposition « Un étalage étrangement familier » d’Antonin De Bemels, à voir au Clignoteur dès le 15/9/2017 (http://leclignoteur.be/)

L. Baud’huin – Août 2017

Un étalage étrangement familier – Antonin De Bemels

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